Sociology in Switzerland

Lehrstuhl Prof. Dr. Geser

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Wandel der Arbeitswelt
 

 

 

Offre de postes d’apprentissage: état actuel et perspectives

Hans Geser

Ce sont principalement les petites entreprises, principalement celles du secteur des services mais aussi celles des branches de l’industrie, qui prennent en charge la formation des apprentis, ce de façon nettement au-dessus de la moyenne. Ces petites entreprises sont pour la plupart très orientées vers le marché et ne sont pas caractérisées par une dynamique innovatrice. Ces deux prochaines années, on devrait pouvoir compter (à part dans le secteur de la construction) avec un nombre croissant de postes d’apprentissage dans tous les secteurs. La majorité des entreprises sont opposées à un prolongement de la formation en apprentissage: par contre, plusieurs entreprises se montrent ouvertes à des réformes qui garantissent que le rapport à la pratique des apprentissages professionnels soit maintenu et que les entreprises gardent le contrôle du processus de formation.

 

Description du projet

Le projet de recherche "Les qualifications professionnelles de l’avenir" est une étude prospective financée par le Fonds national suisse et effectuée conjointement par l’Institut de sociologie de l’Université de Zurich et le Centre de recherches conjoncturelles de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich. Elle a porté sur les secteurs industriels, des arts et métiers et des services suisses, avec pour objectif la création d’une première base de données sur les besoins en qualifications dans l’économie suisse. En cela, elle n’a pas pris en considération uniquement ce qu’on appelle les besoins explicites en personnel, mais aussi les mutations organisationnelles et technologiques dans les entreprises, qui ne sont pas sans avoir des répercussions indirectes sur les exigences et les qualifications professionnelles.

Du point de vue méthodologique, l’étude a été principalement axée sur le sondage standardisé de la structure des qualifications, des besoins en qualifications comme des mutations dans l’organisation des entreprises (panel d’entreprises). Le questionnaire a été adressé aux cadres supérieurs des entreprises (dans les PME: aux directeurs d’entreprises; dans les grandes entreprises: aux responsables du personnel). Le retard de la recherche suisse par rapport à l’étranger a rendu nécessaire d’effectuer une enquête thématique étendue. La mise au point d’un questionnaire portant tant sur toutes les branches que sur les différentes catégories de grandeur d’entreprises s’est avérée être une démarche très exigeante. Ce sont moins les spécificités des branches que les différentes tailles des entreprises qui ont posé problème lors de la standardisation des réponses. Nous remercions les personnes interrogées pour la peine qu’elles se sont donnée à remplir ce questionnaire conséquent et détaillé; elles ont ainsi contribué de manière essentielle au succès de ce projet de recherche.

L’échantillon a été constitué à partir d’un panel d’environ 6’000 entreprises privées, impliquées tous les ans dans des enquêtes par questionnaire traitant chaque fois d’autres thématiques. Il s’agit d’un échantillon stratifié, dont les catégories ont été déterminées par la dimension de l’entreprise et sa branche d’appartenance, en englobant tous les domaines importants de l’industrie, des arts et métiers, ainsi que du secteur privé des services (commerces, banques, assurances, hôtellerie, services de prestations à des personnes, etc.). 2143 entreprises ont participé à l’enquête qui a eu lieu au début 1998. Nous avons donc pu constituer une base de données représentative au niveau de l’échantillon. L’analyse descriptive de certaines questions sera complétée, dans les mois qui suivent, par une analyse approfondie des liens de causalité entre les besoins en personnel et les mutations organisationnelles. Il serait prometteur de mettre en rapport, par des analyses secondaires, diverses données tirées des enquêtes de la KOF (Centre de recherches conjoncturelles de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich) concernant la capacité d’innovation, les mutations dans les emplois, les besoins en qualifications et la globalisation. Pour l’instant, le financement manque encore pour de telles analyses. Le monitoring du monde du travail suisse serait un objectif valable à long terme, de façon à disposer d’une information fondée comme base de décision politique et économique.

 

Dans le système de formation professionnelle dual, on ne se soucie guère du fait que l’offre de places d’apprentissage par les entreprises corresponde à la demande respective des jeunes qui quittent l’école. Et il est encore beaucoup moins sûr que les investissements (quantitatifs et qualitatifs) dans la formation qui ont lieu dans de telles constellations éphémères se trouvent en concordance avec la situation des besoins à long terme du marché du travail. Ces dernières années, on a pu remarquer que plusieurs entreprises ont réduit le nombre de leurs apprentis de façon rapide et parfois dramatique, puisqu’elles se sont trouvées forcées, pour des raisons conjoncturelles ou de pressions liées à la concurrence, de licencier du personnel et d’éliminer toutes les dépenses qui ne pouvaient pas être remboursées à court terme.A cela sont venus s’ajouter des développement structurels à long terme qui - en Suisse comme dans les autres pays occidentaux - ont été responsables d’un recul net et continu (de plus de 30% depuis les années ‘70) de l’offre de places d’apprentissage. Les causes semblent, entre autre, à imputer au fait que d’une part, vu les mouvements de rationalisation technique et organisationnelle, les possibilités pour les apprentis de s’insérer dans une entreprise (particulièrement lors des deux premières années d’apprentissage) se sont vues réduites, et que d’autre part - étant donné la complexité des technologies d’apprentissage et/ou une forte théorisation du savoir - les dépenses pour la formation ont considérablement augmenté.
 

1. Caractéristiques des structures de formation

On a souvent l’impression que trop de jeunes gens en fin de scolarité suivent leur formation professionnelle de base dans de petites entreprises artisanales traditionnelles, alors que les grandes entreprises modernes, qui pourraient offrir à leurs jeunes en formation de bien plus nombreuses possibilités d’apprentissage et chances de carrière professionnelle, n’effectuent souvent qu’une formation professionnelle minimale.

Nos résultats montrent que ce «reproche» est principalement adressé au domaine des services où, dans toutes les branches, les petites entreprises (comprenant moins de 30 collaborateurs) sont celles qui emploient la plus grande part des apprentis. C’est avant tout dans le commerce de détail, mais aussi malheureusement dans les secteurs en pleine expansion de l’informatique ou des services aux entreprises (comme le secteur des banques ou des assurances) qu’on trouve les plus grandes entreprises (de plus de 200 employés) qui profitent des autres entreprises en engageant du personnel déjà formé par elles, mais ne sont de loin pas dans la situation de couvrir leurs propres besoins à long terme en collaborateurs qualifiés.

Figure 1: Pourcentage d’apprentis dans le personnel total, employés dans le domaine des services par branche et taille d’entreprise

 

En examinant la figure 2, on peut observer que ces dernières conclusions ne s’appliquent que très partiellement au domaine industriel. Certes, ce sont principalement les petites entreprises de l’industrie graphique et électrotechnique tout comme de la métallurgie, qui - en regard du nombre total de leurs employés - pour la plupart forment des apprentis. D’un autre point de vue, la disponibilité à former des apprentis s’accroît très clairement en fonction de la grandeur de la taille de l’entreprise dans les branches des machines et de l’électronique, tout comme dans le domaine de la chimie et des textiles.

 

Figure 2: Pourcentage d’apprentis par rapport au personnel total dans l’industrie par branche et taille d’entreprise

Cependant, une analyse plus détaillée montre que la formation intensive des jeunes femmes ou hommes en apprentissage se limite à quelques petites entreprises, qui produisent exclusivement pour le marché, n’ont, ces dernières années, pas développé de nouveaux produits, ni ne sont ouvertes sur de nouveaux marchés, n’ont acquis aucune certification ISO et n’effectuent pas de recherche et développement.

La cause est vraisemblablement à imputer au fait que les petites entreprises d’exportation innovatrices doivent concentrer toutes leurs énergies sur la production et le marketing, alors que les grandes entreprises sont mieux à même de répondre à de telles demandes par le maintien de leurs fonctions internes de formation.

 

2. Une offre d’apprentissage constante, voire croissante

Pour déterminer les changements à court terme dans l’offre de postes d’apprentissage, on a demandé aux responsables du personnel leurs prévisions concernant l’évolution (accroissement, diminution ou constance) du nombre de places de formation dans leur entreprise d’ici à l’an 2000.

Les résultats permettent de conclure, avec toute la prudence de rigueur, que l’offre quantitative de postes d’apprentissage, tant dans le secteur industriel que dans celui des services, demeurera au moins constante ces deux prochaines années, ce avec une très forte vraisemblance de croissance - alors que dans le domaine de la construction la tendance devrait osciller entre stagnation et diminution.

Mais cette tendance générale ne doit pas nous empêcher de voir que les situations diffèrent fortement, particulièrement dans les entreprises les plus grandes (de plus de 500 collaborateurs). Alors que la moitié d’entre elles s’efforcent d’augmenter le nombre de leurs apprentis, presque 30% ont, inversement, décidé de le réduire (ou de poursuivre leur réduction). Dans ce dernier cas, il s’agit avant tout d’entreprises fortement impliquées avec l’étranger.

 

3. Processus d’expansion

Dans le secteur industriel, le processus d’expansion est avant tout porté par la métallurgie, les industries électrotechnique et électronique, alors que les branches traditionnelles de l’industrie alimentaire et textile (mais aussi chimique et du secteur graphique) sont plutôt en stagnation.

Le secteur des services poursuit sur sa tendance d’expansion, ce dans quasiment toutes les branches. C’est particulièrement apparent dans les banques, les assurances et les entreprises d’informatique, qui sont plus de 30% à avoir pour dessein de contribuer à l’avenir davantage (ou d’une quelconque façon) à la formation de base professionnelle (Tab 1).

L’état de la situation est grandement instructif, en ceci que le nombre de places d’apprentissage n’est que très partiellement en corrélation avec le développement de l’ensemble du personnel d’une entreprise. 48% des entreprises les plus grandes en pleine expansion vont augmenter leurs places d’apprentissage; cette proportion est presque la même dans les entreprises dont le personnel est en diminution, puisqu’elles se disent 41% à avoir planifié d’augmenter le nombre de leurs places d’apprentissage. Par contre, ce qui paraît être plus significatif, c’est le transfert à l’étranger des activités de l’entreprise qui, principalement dans les entreprises les plus grandes, semble aller de pair avec une diminution de la formation professionnelle interne.

Table 1: Changements planifiés du nombre d’apprentis (1998-2000) dans les entreprises suisses des secteurs de l’industrie et des services: en fonction de la taille de l’entreprise, du secteur économique (pourcentage des entreprises) (base: 1518 entreprises, interrogées entre janvier et avril 1998)

 

 

 

 

Le nombre d’apprentis jusqu‘à l‘année 2000

 

 

 

 

augmentera

restera

diminuera

Petite entreprise

(< 30)

Industrie

19%

77%

4%

Construction

16%

69%

16%

Services

17%

75%

8%

Moyenne entreprise

(31-200)

Industrie

32%

57%

11%

Construction

20%

59%

21%

Services

25%

66%

9%

Grande
entreprise

(< 200)

Industrie

42%

37%

21%

Construction

18%

55%

27%

Services

48%

38%

13%

Totale

25%

65%

10%

 

On peut remarquer un lien entre la croissance du personnel et celle du nombre d’apprentis, ce davantage dans le secteur industriel que dans celui des services; puisque dans ce dernier domaine, ce sont les places de formation dans les ateliers et les bureaux techniques (moins dans le domaine commercial) qui sont principalement concernées. Il est toutefois intéressant de remarquer que ce sont les entreprises les plus petites (de moins de 70 collaborateurs) qui réagissent le plus souvent à la croissance générale de leur personnel par une augmentation de leurs places de formation commerciale.

 

4 Réformes dans le domaine scolaire et dans la formation professionnelle

Notre étude souhaite aussi fournir un aperçu des avis sur la manière dont les entreprises forment leurs apprentis et dont elles évaluent les prestations de notre système scolaire, ainsi que sur les réformes (au niveau des plans d’études et de l’organisation générale de la formation) qu’elles estimeraient souhaitables voire indispensables.

Ce qui est de loin le plus fréquemment critiqué (dans les trois secteurs économiques), c’est que l’école n’encouragerait que trop peu, chez les enfants, l’initiative personnelle et la capacité à travailler en groupe; il s’agit donc de deux qualifications qui ne font pas partie du plan d’études officiel ni des matières examinées dans les écoles, mais qui sont de toute façon dispensées en parallèle - et par rapport auxquelles le personnel enseignant se comporte certainement de façon très variable.

Parmi les disciplines scolaires, les secteurs de l’industrie et des services placent au premier rang les compétences informatiques et les connaissances en anglais (puis aussi les connaissances en économie, en droit et en politique), tandis que le secteur de la construction accorde indéniablement la primauté aux connaissances de base en mathématiques (Figure 3). Toutefois, un démantèlement des disciplines des sciences naturelles ne trouverait bien évidemment que peu d’appui auprès des employeurs. Les très traditionnelles vertus d’«obéissance» (ou de «loyauté») ont, comparativement à ce qu’il en était au début du siècle, perdu en importance. On peut voir se refléter ici la tendance générale à encourager en premier lieu, dans la plupart des rôles professionnels actuels, non plus une adaptation passive, mais une capacité active à communiquer et à résoudre des problèmes.

Figure 3: "Quels développements de la formation professionnelle seraient à encourager?": en fonction du secteur économique (entreprises en pour-cent)

En ce qui concerne la formation professionnelle de base, on s’est avant tout posé la question de savoir dans quelle mesure les différents projets de réformes qui font actuellement l’objet de discussion au niveau politique, bénéficient de l’appui des entreprises suisses ou suscitent leur opposition. Ce qui apparaît très clairement, c’est que, chaque fois, seule une petite minorité d’entreprises (principalement issues du secteur des services) accueille favorablement la poursuite de l’élargissement de l’enseignement professionnel scolaire (aux frais de la pratique en entreprise), et que, dans le domaine industriel uniquement, on trouve une part non négligeable d’entreprises (environ 305) qui votent pour l’élargissement de la formation en ateliers d’apprentissage spéciaux - une vieille rengaine des cercles politiques de gauche.

En revanche, aussi bien dans le secteur de l’industrie que dans celui des services, environ la moitié de toutes les entreprises sont de l’avis:

  • - qu’on devrait accorder plus de poids à des cours d’introduction en début d’apprentissage professionnel (voire même avant)

    - que les relations entre entreprises concernant la formation seraient un bon moyen d’augmenter la qualité des apprentissages professionnels (resp. de décharger les entreprises, considérées une à une, de certaines tâches)

    - qu’il serait sensé de réduire l’hyperspécialisation actuelle des voies de formation en élargissant leur définition et en rendant les champs professionnels plus polyvalents.

  • De même, la maturité professionnelle semble bénéficier d’un appui relativement large de la part de l’industrie et des services, alors que dans le secteur de la construction - sur ce point comme sur d’autres efforts de réformes - prévaut la traditionnelle orientation status quo. La modularisation des voies de formation se voit principalement saluée par les nombreuses entreprises du secteur industriel, alors que l’opinion selon laquelle les examens de fin d’apprentissage devraient être plus exigeants, trouve inversement principalement l’assentiment du secteur des services.

    De façon générale, ces résultats sont le reflet d’un fort consensus sur le fait qu’il faut conserver le système de formation professionnel dual, et que les éventuelles réformes ne devraient pas conduire à ce que le contrôle des processus de formation soit repoussé des représentants de l’économie privée à ceux de l’Etat.

     

    4.5 Synthèse

    Ces derniers temps, la formation des apprentis a été négligée dans de nombreuses entreprises. L’offre de places d’apprentissage a connu, ces dernières années, une tendance de recul, parfois dramatique. Les raisons sont à chercher dans de plus fortes pressions liées à la concurrence et dans la mauvaise conjoncture économique. A cela s’ajoutent aussi des développements structurels à long terme dans le domaine du travail. C’est ainsi que les dépenses de la formation se voient fréquemment augmentées par les mutations rapides des technologies.

    C’est aux petites entreprises ayant un haut niveau d’expertise qu’incombera la charge principale de la formation de la main-d’œuvre professionnelle du futur. Etant donné que la plupart d’entre elles sont uniquement orientées vers l’économie et ne présentent pas ou que peu de dynamique innovatrice, les apprentis n’ont guère la possibilité d’acquérir, en sus des savoirs professionnels, des compétences annexes.

    Malgré cela, les prévisions des responsables du personnel sont plutôt optimistes concernant le développement à court terme de l’offre de postes d’apprentissage. Nous nous permettrons toutefois que de conclure avec circonspection que l’offre quantitative de postes d’apprentissage dans les secteurs des services et de l’industrie restera constante, voire connaîtra même une légère expansion, alors que, dans le secteur de la construction, la tendance continuera clairement d’osciller entre stagnation et recul.